Nonfiction : crise de la presse, moteur des idées?

Publié le par Yves Tradoff

Lancé en octobre 2007, le célèbre webzine Nonfiction a sorti un premier numéro papier, compilant ses meilleurs articles et des écrits exclusifs.

 

 

http://www.discordance.fr/wp-content/IMG/jpg/magnonfiction-2.jpgLes médias traditionnels ont beau critiquer le web à tout-va, nombreux sont ceux qui souhaite utiliser ses talents cachés pour vendre du papier. Il y a quelques mois, Guy Birenbaum lançait ainsi Blablabla hebdo revue de presse hebdomadaire du web. Sa mise en page grossièrement plagiée sur celle du Canard Enchainé, ses commentaires satiriques souvent faciles n’ont toutefois pas fait long feu. Plus tard, c’est Philippe Cohen qui publie avec plusieurs collaborateurs de renom et notamment le créateur de Courrier International, l’hebdo Vendredi. Il ne s’agit alors plus de raconter les informations sorties sur la toile mais de les retranscrire directement via des partenariats.

Petit dernier à s’être lancé dans l’aventure, Nonfiction . Mis en ligne il y à peine plus d’un an, le fameux webjournal du réel ouhaite crée un best-of papier à partir de ses propres ressources web. Avec sûrement en tête l’exploit deChronic’art, webmagazine qui a su lancé et maintenir une version papier depuis déjà 2001. Le bi-mensuel Nonfiction, « prolongement naturel » de son site, visent ainsi à attirer un nouveau public. Ingénieuse, cette méthode permet d’utiliser à bon escient tout ce que peut offrir le web – liberté de ton, souplesse de format – tout en offrant une lisibilité plus claire à ses articles grâce à une présentation moins chargée que sur le web. Et pour satisfaire ses habitués, des papiers exclusifs sont également publiés. Mais consciente de la fragilité d’un titre en kiosque, l’entreprise préfère ne prendre pas trop de risques – pour le moment?- en étalant dans le temps ses parutions.

Sujet classique pour traitement en profondeur

Actualité oblige, Nonfiction fait l’éloge de Barack Obama, en déballant ce qu’il « peut apporter à la France ». S’en suit une interview très instructive d’ Emmanuelle Mignon, ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy . Elle explique comment le projet Sarkozy est né, en racontant notamment quel est son rapport aux intellectuels. Plus loin, on retrouve un grand entretien avec le fameux philosophe Edgar Morin, puis une interview de Michel Rocard sur le vote de la loi instituant le RMI ; c’était il y a tout juste vingt ans. Deux autres dossiers sont en prise avec l’actualité immédiate : la Chine encore et toujours, et le centenaire de Claude Levi-Strauss .

Nonfiction ne cherche manifestement pas à être original dans ses sujets mais dans son traitement ; il revendique un travail de réflexion « réel » autour de grands sujets de société. Comme annoncé, le magazine attribue un espace important aux critiques de livres. Elles occupent chacune une page au minimum, voire deux pour les plus importantes. Certaines sont regroupées autour d’une thématique commune comme c’est le cas dans ce numéro pour les écrits sur Darwin .

Un objectif très ambitieux

screenLe moins que l’on puisse dire, c’est que l’objectif avoué des créateurs de Nonfiction est très ambitieux : « Ce portail intellectuel vise à permettre aux idées d’avoir de l’influence et aux chercheurs d’avoir une action sur la société, et d’être en prise avec le réel. » La raison d’être du site et désormais du magazine est donc de récréer un espace de réflexion pour palier au « déclin des espaces susceptibles d’accueillir de vraies critiques ». D’où le leitmotiv du site « Le web n’est ni bon, ni mauvais en soit. Il est ce que nous en ferons. »

Dans la charte déontologique du site, nous retrouvons une fois encore cette volonté marquée de crédibiliser ces écrits sur la toile : Nonfiction « répond aux mêmes principes et valeurs que la presse écrite en termes d’exigence de qualité et d’excellence. » Pour ce faire, l’entreprise ne compte pas moins de 400 collaborateurs répartis dans 38 thématiques. Les animateurs du site sont des chercheurs, de journalistes, des militants associatifs, de syndicalistes, de chefs d’entreprises et de créateurs de sites Internet. Ils mettent largement en avant leur nouveauté : Nonfiction est un « nouvel espace » de réflexion mis en place par une « nouvelle génération » d’auteurs. Bien entendu, il revendique également des mœurs participatives tout à fait dans l’ère du temps.

Même si le premier numéro n’est pas tout à fait en place – plusieurs articles sont coupés et répartis à deux endroits différents du magazine – on ne peut que se réjouir d’une parution qui milite pour les essais, les sciences sociales et les idées. Cet optimisme est accentué par la sortie quasi-simultanée d’un autre magazine sur le même thème, Books ou « l’actualité vue par les livres ». Avec un peu de persévérance, ils pourront trouver leur place à côté de magazines d’actualité touchés de plein fouet par le « pipolitique » ou les très porteurs Oops, Closer et autres publications « tue-neurones ».

Pour plus d'informations :

Le site officiel de Nonfiction : http://www.nonfiction.fr

Cet article a été écrit en collaboration avec Aqit (Association pour la Qualité de l’Information). Vous trouverez également ce texte sur le site de l’association ainsi que sur le site du webzine Discordance.


Publié dans Médias

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