Jeudi-Noir – Réquisition étudiante

Publié le par Yves Tradoff

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16 heures, Gare Saint-Lazare, Paris.Il y a tellement de personnes qui circulent que l’on remarque à peine le petit groupe qui se forme près de la « bulle ». Pourtant, en y regardant de plus près, quelque chose se joue ici. Et pour cause, Jeudi-Noir, collectif qui a déclaré il y a un an et demi la guerre au mal logement, a appelé à se rassembler pour une « action extraordinaire ». On peut reconnaître ci et là, des têtes familières, vues à la télévision ou dans les journaux, conséquence directe de l’engouement des médias pour le collectif. Car depuis plusieurs mois, les Jeudi-Noir sont partout (M6, Vingt minutes, France info, Le Parisien, Libération.).

Le rendez-vous ayant été annoncé via Internet et la radio, les policiers sont bien sûr de la partie. Talkie-walkie en main, ils tentent de savoir quel évènement se prépare. Sans succès. Il faut dire que les Jeudi-Noir n’en sont pas à leur premier coup d’essai. Occupation du C.R.O U.S (Le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires), actions festives au salon de l’immobilier, à l’Île de la Jatte etc., le collectif jouit maintenant d’une certaine expérience.

A 16h30, une vingtaine de militants, accompagnés de nombreux journalistes, pénètrent dans le 134 boulevard Haussman. Afin de semer les forces de l’ordre, le collectif mène l’opération tambour battant, ce qui laisse quelques membres et sympathisants sur le carreau. Résultat : deux groupes de personnes se feront arrêtés avant de pouvoir rejoindre la manifestation.
L’immeuble ciblé est une propriété de la compagnie d’assurance Generali . Il est actuellement en chantier et c’est justement pour ça que le collectif l’a choisi. Outre les échafaudages, on peut voir sur le bâtiment une énorme affiche de la multinationale sur laquelle est inscrite  » 4000 m2 de bureaux à louer « . De quoi provoquer un haut-le-coeur à toutes ces personnes engagées dans la cause du logement étudiant.

Une fois à l’intérieur, le temps est compté. Vite, vite, il faut engloutir les marches de cet immense immeuble. Quelques étages plus hauts, le collectif s’arrête et sort bouteilles et banderoles. Tout est fait à une vitesse impressionnante. A peine une poignée de minutes après leur arrivée, les cotillons volent déjà sur une musique funk. La bannière réquisition étudiante est installée sur les échafaudages et déjà, le collectif entonne ses slogans à travers des mégaphones.  » Génération Tanguy, merci Sarkozy « ,  » Trop de bureaux à Paris « ,  » Ni LRU, ni à la rue « , les militants de Jeudi-noir redoublent d’imagination pour alerter la population de ce qui se joue dans leur ville. Le tout, toujours avec humour.

Vingt minutes après la prise des lieux, les premières sirènes retentissent. Quatre camions ainsi qu’un bus de la police s’amassent devant le bâtiment, un dispositif hallucinant compte tenu des quelques trente personnes – journalistes inclus – présentes sur les lieux. Un membre du collectif lâche déçu, On pensait faire la fête plus longtemps .

L’heure est maintenant à la négociation. Téléphone en main, les leaders de l’opération tentent d’obtenir une sortie sans problème. Alors que les avis divergent sur la stratégie à adopter, Julien, du collectif Macaq (Mouvement d’animation culturelle et artistique de quartier), prend les devants et négocie un départ groupé sans arrestation mais avec contrôle d’identité. Il reste néanmoins à régler le sort des quelques personnes arrêtées plus tôt à la gare Saint-Lazare et à Miromesnil.

Après un léger temps de flottement, la joyeuse troupe se dirige vers le hall d’entrée. Deux policiers en civil les y attendent, stylo en main, pour relever leur identité et le motif de leur présence (journaliste, sympathisant/militant.). L’opération se passe assez vite, néanmoins, les forces de l’ordre leur demandent de rester, le temps de vérifier quelques informations. Il leur faut donc encore patienter dans un petit rectangle improvisé de quelques mètres, encerclés par des agents bien équipés. Une longue ligne de photographes en profite pour prendre des clichés des militants. Un policier finit par donner une à une les identités des personnes présentes, sorte de feuille d’appel, puis leur signalent qu’elles sont libres.

Il est 18h30 et c’est maintenant bel et bien la fin des festivités. L’opération n’a duré que 2h30. L’immeuble restera inoccupé jusqu’à ce qu’une société décide de louer les locaux. En attendant, le Collectif des Galériens du Logement se disperse. Jusqu’à la prochaine fois.

Pour plus d'informations

Site officiel: http://www.jeudi-noir.org/

Photos de la réquisition: http://www.flickr.com/photos/william-hamon/sets/72157603274129405/

Cet article a été publié sur Discordance le 25 novembre 2007.

Publié dans Société

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