Phoebe Killdeer de A à Z : interview, live-report, chroniques

Publié le par Yves Tradoff

Ce post regroupe quatre articles consacrés à Phoebe Killdeer : les chroniques de ses deux disques ainsi qu'une interview et un live-report. Ils ont tous été publiés sur Discordance entre 2008 et 2011.

Phoebe Killdeer : deuxième vague

Découverte par Nouvelle Vague, Phoebe Killdeer revient avec les Short straws pour un nouveau disque, Innnerquake.

Image de innerquake-killdeer Nous avions laissé Phoebe Killdeer en 2008 avec la sortie de son premier disque, Weather’s coming. A l’époque, elle était déjà délicieusement en retard sur son temps, flirtant allègrement avec le jazz, le blues et le slow rock des années 50,60 et 70. Ce trait qui fait tout le charme du groupe est encore une fois ici prédominant.

La nouveauté d’Innerquake réside dans l’espèce de spleen qui donne le la à l’ensemble du disque. Si avant, Phoebe Killdeer et ses talentueux Short Straws passaient sans transition d’un slow langoureux à un rock endiablé, ici, on passe d’une chanson mélancolique à une autre chanson mélancolique, sans interruption ou presque (Scholar et Spinning) . Pour autant, la composition comme l’interprétation sont toujours d’une pertinence et d’une qualité exceptionnelle. Aussi, même s’il est moins « encourageant », le nouveau décor musical que pose le groupe dans Innerquake lui va à ravir. Les guitares profondes aux ambiances de western prennent la pose sur une batterie froide et figée tandis que Phoebe Killdeer s’exprime tout en langueur et en mystère.

Et même si ces sonorités ont déjà traversé les âges et touché bien d’autres générations avant nous, on prend toujours un malin plaisir à les écouter quand elles sont bien retranscrites.

Phoebe Killdeer : première vague

Découverte sur la compilation Nouvelle vague II : Bande à part, Phoebe Killdeer prend enfin son envol avec un premier disque aux influences lointaines et variées, Weather’s coming.

phoebe-killdeer_coverElle a beau venir de la Nouvelle vague, Phoebe Killdeer est résolument ancrée dans le passé. Sous couvert de musique  » alternative « , la chanteuse australienne revisite avec brio des répertoires lointains et variés. Blues, jazz, slow rock, soul, ce disque est à lui seul une mini rétrospective de l’histoire de la musique. Mais il n’est pour autant obsolète, le groupe incorporant habilement une pincée de musique  » moderne  » – du rock la plupart du temps. Le mélange est cohérent et desservi par une production impeccable. La qualité du chant est telle, que le groupe peut de toute façon tout se permettre.

À l’écoute de Weather’s coming, on ne s’étonne plus d’avoir découvert Phoebe via Nouvelle Vague . Cette compilation de titres rock/punk, chantée par des voix féminines -et toute la douceur qui va avec- colle tout à fait à l’ouverture d’esprit de la chanteuse.

Les instrumentations sont aussi éparpillées que le chant. La variété de sons et d’ambiances est très large, sans être fourre-tout. Tantôt ce sont des guitares dégoulinantes sur une montagne d’écho ou des solos tordus, parfois une mélodie bien droite, qui se répète à l’infini pour laisser Phoebe Killdeer faire son show.

À la fin de ce disque, le constat est indéniable : Les Short straws méritent tout autant que Phoebe . Tous deux agissent d’ailleurs dans une parfaite alchimie. Les couches de sons se superposent sans se gêner, donnant aux titres de Weather’s coming un aspect de bordel organisé.

Même si les thèmes ont déjà été souvent entendus, il sera difficile de mettre un nom sur tout, tant ce disque est varié. Il y a des ballades, du rock endiablé, des breaks psychédéliques sans fin et même un titre joué A Capella . Les jeunes n’y reconnaîtront qu’une partie des styles abordés, les vieux, le reste.

Avec ce si sympathique disque entre les mains, il ne reste plus qu’une chose : remercier Marc Collin, qui nous a fait découvrir Phoebe Killdeer . Faites autant de vagues que vous voudrez, Mr Collin !

Phoebe Killdeer : interview
A 30 ans, Phoebe Killdeer vient de sortir son premier album, Weather’s coming. Accompagnée des Short Straws, elle remet au goût du jour les musiques d’une autre époque, du blues des années 50 et 60 aux sonorités psychélédiques des 70’s. Interview.

 

Les styles abordés dans Weather’s coming sont assez vieux. Penses-tu que ce disque va plaire à la nouvelle génération ?

J’espère que oui. Même la nouvelle génération aime les vieux sons. La preuve, c’est qu’il y a beaucoup de groupes assez anciens qui sont toujours écoutés aujourd’hui : Led Zeppelin, Elvis Presley .

Crois-tu que le public rock va accrocher ?

Je pense que le public rock va aimer les live. Les morceaux sont beaucoup plus énergiques sur scène. Je voulais vraiment que les concerts et le disque soient deux choses distinctes car ce sont deux univers différents.

Est-ce que tu écoutes de la musique contemporaine ?

Je ne suis pas complètement fermée mais je ne me tiens pas au courant de l’actualité musicale. Je ne peux pas enchaîner les écoutes, groupes après groupes. Il y a des personnes comme mon guitariste qui savent tout ce qui se passe tout le temps. Moi, j’aime bien quand des gens me conseillent des disques. Sinon, j’écoute la radio. Et là, si j’entends quelque chose que j’aime bien, je vais écouter et décortiquer.

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Les années 70 ont été vraiment incroyables. Les musiciens avaient une musicalité hors paire à cette époque. Ce qui a permis d’ouvrir de nouvelles voies. Mais, même dans les 60′s, 70′s et 80′s, il y a eu des évolutions. Toutes les années ont été assez riches finalement. Maintenant, je ne sais pas ce qui va se passer (rires). On est un peu coincé.

Les Short Straws t’accompagnent-ils depuis longtemps ? Comment les as-tu rencontrés ?

Tout a commencé quand j’ai enregistré l’album. J’ai vu Cédric (guitare) en concert à La Cigale avec un groupe qui s’appelle Villeneuve . J’ai adoré. Alors, avec Marc (ndlr : Collin, producteur de Weather’s coming et fondateur du projet Nouvelle Vague ), on l’a appelé et il est venu au studio pour une session. En l’écoutant, je me suis dit « c’est le bon. »

Les membres des Short Straws ne jouaient pas ensemble auparavant alors ?

Le guitariste et le bassiste étaient dans le même groupe. Le guitariste et le batteur également mais ils ne jouaient pas tous les trois ensemble. En revanche, ils se connaissaient déjà. C’était des amis.

Reprenons du début. Quand t’es-tu lancée dans la musique ? Et par quel style de musique as-tu débuté ?

Quand j’avais 17 ans, je suis parti en Afrique pour faire du bénévolat. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J’étais dans une période d’indécision. Là-bas, le seul moyen d’écouter de la musique, c’était la radio. Il y avait beaucoup de hip-hop qui passait. J’étais intriguée par les paroles. C’est ce qui m’a donné l’envie d’écrire mes propres textes. En rentrant à Londres, je suis allée à des Jam sessions axées funk hip-hop où tu mets ton nom sur une liste pour chanter un quart d’heure sur scène. En général, tu finis par improviser parce que les paroles ne font pas un quart d’heure (rires)! Là, j’ai rencontré des producteurs qui m’ont fait des propositions. J’ai travaillé avec différentes personnes dans le hip-hop. Après, j’ai évolué. Je me suis tournée vers la soul et je me suis mise à chanter.

Comment se fait-il que ton premier disque soit sorti si tard ?

J’avais des opportunités mais je ne les ai pas saisies car je ne me sentais pas prête. Jusqu’à aujourd’hui. Marc a su me mettre en confiance. Il était vraiment ouvert à toutes les idées bizarres que je pouvais avoir.

Quand tu as commencé les jam, tu savais déjà chanter ?

Non, à ce moment, je ne me destinais pas à la chanson. Je ne faisais même pas de chant au début, je parlais presque, je racontais des histoires. Dans le même temps, j’ai été ingénieur du son pendant 7 ans pour différents clubs de Londres. Un jour, il a fallu que je choisisse entre le chant et le métier d’ingénieur du son. J’ai choisi le chant.

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Mon manager a envoyé une démo à Marc Collin parce qu’elle avait entendu dire qu’il cherchait des chanteuses pour Nouvelle Vague II . Il a écouté mes chansons et il a aimé. Deux ans après Nouvelle Vague, il est venu vers moi pour me proposer de faire un album.

Tu as aussi participé à la production de Weather’s coming .

Oui, on a tout fait ensemble. J’étais même là pour le mixage et le mastering. Je voulais tout vérifier, peut-être à cause de mon expérience d’ingénieur du son.

Avant de sortir ce disque, tu as collaboré à de nombreux projets : Nouvelle Vague, Basement Jaxxx, Bang Gang etc. Que t’ont -ils apporté ? Penses-tu que tu aurais été signée sans toutes ces expériences ?

Les collaborations étaient très courtes. Par exemple, avec Basement Jaxxx, ça a duré une après-midi dans mon existence de chanteuse. Ils m’ont montré quatre chansons et m’ont demandé d’en choisir une. Puis ils m’ont dit de m’asseoir et d’écrire des paroles. Je les ai chanté pendant deux heures non stop et c’était fini. Mais j’ai tout de même appris énormément. Et je me suis amusé. Chacun à sa façon de travailler alors, à partager, c’est génial.

Les jam sessions ont du t’aider pour écrire les paroles aussi vite ?

Oui, surtout que j’aime bien faire ça. Je pense que c’est lors de la première écoute que l’on sait s’il va se passer quelque chose. Tu mets sur papier tout ce que tu ressens. Des fois, ça marche, des fois, ça ne marche pas.

Vas-tu tenter de cumuler ta tournée en solo et celle avec Nouvelle Vague ?

Non, je vais uniquement assurer ma tournée. Cela fait déjà trois ans que je tourne avec Nouvelle Vague, je pense que le public a besoin d’entendre autre chose. Deux nouvelles chanteuses vont arriver pour Nouvelle Vague III qui va sortir dans un an.

Ton album a été enregistré il y a un an. Comment ta musique a évolué depuis ?

Elle sonne plus live. Il y a moins d’éléments, beaucoup de percussions tribales et plus de sons industriels. J’aimerais bien développer ce côté tout en utilisant des éléments organiques comme un shaker.

Tu as déjà composé de nouveaux titres ?

Hum, peut-être. De toute façon, même en live on joue des morceaux qui ne sont pas sur l’album. Si tu calcules, l’album fait environ 35 minutes et on doit faire des shows de 1h15. Il faut venir au live pour voir ce qui se passe.

Phoebe Killdeer : live-report
Messieurs les prévisionnistes du rock, vous pouvez commencer à parier vos dollars sur Phoebe Killdeer. Car, outre un premier disque brillant, cette artiste émérite complète le tableau avec des performances live d’une efficacité redoutable.

Paris 26 mars – 20h10 au Nouveau Casino.

phoebekilldeer09-2Un type débarque seul avec un mp3 en guise de groupe. Les murs de la salle sont entièrement tapissés d’une lumière rouge, en référence à son nom: Red . Il attrape sa guitare, attend que le beat démarre et commence à chanter. L’associable arbore sur sa sangle une faucille et un marteau, symbole du partage des richesses alors que le bonhomme partage la scène. avec personne. Bon.

Le set de Red sera court et à vrai dire, sans effet. Le rythme de ses compositions est primaire et souvent répétitif. La guitare n’est pas franchement mieux. Pis, le fait d’être dépendant de son mp3 le force à enchaîner les titres très vite, sans communiquer avec le public. Aux environs de 20h45, il quitte la scène, laissant la salle comme il l’avait trouvée, inanimée.

Avec Phoebe et ses collègues, c’est une autre paire de manche. Le devant de la scène est occupé par une rangée de photographe, signe que la formation intéresse les médias. Le groupe débute par une mélodie gentillette et progressive, histoire de nous faire rentrer dans l’ambiance en douceur. Puis le batteur balance un rythme plein de groove. Il tape notamment sur un cylindre métallique attaché à son instrument par une ficelle. Phoebe attrape un harmonica pour l’ outro . Pour le deuxième morceau, He’s gone, la frontman joue avec une ampoule rouge, qu’elle utilise pour éclairer son visage puis celui de son guitariste, Cédric .

Fines bretelles, franges et yeux gigantesques, Phoebe Killdeer a déjà le look de l’égérie rock. Sa passion pour la musique transpire tout le long du live. Ses grands gestes démesurés, son regard expressif nous amène vite fait bien fait dans son univers. De leurs côtés, les Short Straws s’éclatent également, mais on les sent plus en retrait.

Changement d’ambiance, changement de look. Pour la ballade slow rock Let me, Phoebe enfile un collier Hawaïen. Le bassiste cale des lunettes de soleil sur son nez, lâche son instrument pour des maracas, avant de finir au triangle.

Puis le groupe continue son petit bonhomme de chemin, alternant entre morceaux rock blues rythmés et passages psychédéliques bien pensé. Le set est millimétré mais plein de surprises.

phoebekilldeer16-2La formation rock possède un fort penchant pour les accessoires. Phoebe Killdeer bat fréquemment le rythme sur différentes percussions pendant qu’elle chante, notamment des cylindres fait maison. Elle place également un peu de synthé, qu’elle partage avec le bassiste.

Le groupe jouera presque tout Weather’s coming et bien plus même, avant de quitter finalement la scène. Pour le rappel Phoebe donne quelques explications en anglais bien qu’elle maîtrise parfaitement le français. Elle avoue au public avoir eut du mal à faire un set d’une heure quinze avec un album ne durant que trente-cinq minutes, mais qu’elle se rassure, cela ne s’est absolument pas vu.

L’album était excellent, le concert l’est aussi. Mieux, elle a réussi à donner à chacune de ses chansons un visage différent. Le groupe boucle son set par le très lent I get nervous, pour que la séparation ne soit pas trop dure. Pas de doute, Phoebe Killdeer et ses Short straws continueront à faire parler d’eux.

Crédits photos: phiL B.

Pour plus d'informations

Le Myspace de Phoebe Killdeer : http://www.myspace.com/phoebekilldeer

La page Facebook : http://www.facebook.com/phoebekilldeer

Publié dans Culture

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