Carlos – Big problèmes…

Publié le par Yves Tradoff

La version condensée de la fiction consacrée à Carlos et diffusée sur Canal + vient de sortir sur grand écran. Un évènement qui pose un certain nombre de problèmes dont celui de la réalité historique, de la définition des terrorismes, des contraintes techniques et de la réaction du principal concerné…

 

Parler de terrorisme a toujours été une excellente recette pour faire un bon film d’action. Il y a de la violence et du spectacle (attentats, kidnapping, comme le montre très bien La bande à Baader), de l’émotion (des innocents qui souffrent, illustré de manière outrancière dans le très mauvais World trade center),  de la passion, du sacrifice et de la tragédie (les terroristes en viennent souvent à se chamailler entre eux, arrivent rarement à leur but et meurent presque toujours). Le sexe n’est pas nécessaire, mais il est assez simple d’en rajouter. Pour preuve, dès la première scène de Carlos apparait une paire de seins dont on ne sait pas vraiment à qui elle appartient et qu’on ne reverra plus de tout le film. En somme, le terrorisme est clairement télégénique.

  Has-been du terrorisme

Une autre particularité du genre est la traditionnelle descente aux enfers. Selon l’angle choisi, cela peut concerner les victimes prises dans un engrenage tout à fait arbitraire, mais le plus souvent les premiers à en pâtir sont les terroristes eux-mêmes. Avec au choix : la prison et le long procès qui va avec, le suicide, la paranoïa, ou tout simplement la mort.

Ici, le cas est un peu particulier puisque la descente aux enfers de Carlos occupe la grande majorité du film. Si son heure de gloire est particulièrement impressionnante -  meurtre d’inspecteurs de la DST (direction de la surveillance du territoire), prise d’otage des ministres de l’Opep (organisation des pays exportateurs de pétrole) – la suite l’est bien moins. On le voit ainsi perdre sa crédibilité face à ses clients, en l’occurrence des États aux pratiques douteuses, prendre du poids et s’encrouter sur une notoriété qui appartient au passé. Bref, il devient un véritable has-been du terrorisme, perdu au milieu du sac de nœud diplomatique que représente les années 70 et 80 au Moyen-Orient. Il se fait donc trimballer d’un pays à l’autre, rejeté par les pouvoirs publics arabes, africains et autres avec comme leitmotiv que «les temps changent ». Le réalisateur en profite ainsi pour mettre en avant un terrorisme particulier, celui d’État. Un angle de vue d’ailleurs ouvertement revendiqué par Olivier Assayas.

« Pour moi, il n’y a de terrorisme que d’État ! C’est un processus de l’implication, de la mécanique. L’enrôlement de militants dans des intérêts qui les dépassent. Carlos a été le soldat d’une guerre, et la signification de ses actes est de nature géopolitique. Il a été le jouet d’une histoire qui l’a dépassé. Il n’est pas broyé par son destin mais par l’Histoire, ses enjeux, ses cycles, ses jeux de pouvoir. » (Le Monde, 18 mai 210)

   A grande figure du terrorisme, grands moyens

Carlos, le film Réglons maintenant les questions techniques. Carlos le film est la version condensée de la mini-série de Canal + dont le premier épisode a été diffusé le 19 mai dernier. En chiffre, cela donne respectivement 2h45 contre plus de 5h. De quoi rendre fous les monteurs du film. Le DVD de la série est sorti dans la foulée, le 3 juin 2010. Et la version longue a été présenté « hors-compétition » au festival de Cannes.

Le budget du film oscille entre 14 et 15 millions d’euros selon les sources. De quoi financer les 120 acteurs internationaux qui y jouent – dans leur langue originel, excusez du peu -, les déplacements aux quatre coins du globe (Paris, Londres, Karthoum etc.) et la publicité massive dont le projet a bénéficié (8.900 affiches, un site dédié, des bandes-annonces au cinéma, des pubs dans la presse et des spots télé en série). A cela s’ajoute le mécontentement de Carlos, toujours emprisonné en France. Le producteur, le réalisateur et lui-même se sont ainsi ouvertement critiqués par médias interposés (voir En savoir + ). Ce dernier aurait même réclamé de sa prison un droit de regard sur le film avant sa diffusion, une requête finalement rejetée par la justice. De quoi grossir encore plus le sac de nœud, qui s’étend donc au contenu, à la réalisation et à la diffusion. Edgar Ramirez, l’acteur qui incarne le terroriste à l’écran, a même recu un courrier de la part de Carlos, dont voici un extrait :

« Pourquoi, Edgar, acceptes-tu de travestir la vérité historique ? Pourquoi te prêtes-tu à une œuvre de propagande contre-révolutionnaire, diffamant le plus connu des Ramirez ?, demande Carlos. Ne laisse pas la gloire éphémère à la sauce Hollywood te faire tourner la tête. » (AFP)

Il est difficile de le nier, le projet est audacieux. On peut même dire que c’est une réussite puisqu’Olivier Assayas évite avec soin l’éceuil du film d’action simpliste, mêlant un romantisme inappropriée à des scènes d’action inutiles. Mieux, le film est plutôt bien ficelé, ce qui compte-tenu des faits, relève de l’exploit. Edgar Ramirez, tient le rôle de Carlos avec brio et sur la longueur. En outre les quelques des bribes des tenants et des aboutissants de plusieurs épisodes politiques opaques des années 70 sont bien plutôt bien illustrés et rendent l’ensemble particulièrement intéressant à voir.

Carlos le film, de Olivier Assayas. D’après une idée originale de Daniel Leconte. Écrit par Olivier Assayas et Dan Franck Dans les salles depuis le 7 juillet 2010. Avec Edgar Ramirez (Carlos), Ahmad kaabour (Wadie Haddad), Alexander Scheer (Johannes Weinrich) etc.

  Le vrai Carlos : archives

On a beaucoup parlé du faux Carlos. Voyons maintenant le vrai, en vidéos et en images.

Portrait de Carlos au JT d’Antenne 2 (11/12/1997)
http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/CAB97142651/portrait-terroriste-carlos.fr.html

La traque et l’arrestation de Carlos au JT d’Antenne 2 (16/08/1994)
http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/CAB94078995/carlos-traque-et-arrestation.fr.html

 

 

Publié dans Culture

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